Professeur de musique, Musicien, Journaliste spécialiste industrie 4.0
Navalny : contester Poutine outre-mer ou vivre l’incarcération politique
Navalny : contester Poutine outre-mer ou vivre l’incarcération politique

Navalny : contester Poutine outre-mer ou vivre l’incarcération politique

Depuis maintenant 306 jours, Alexeï Anatolievitch Navalny est incarcéré en Russie. Il avait reçu cette sentence en décembre 2014 à la suite d’un sursis d’une peine de prison de trois ans et demi pour fraude et non-respect de conditions.

Navalny plaide que la véritable raison de sa condamnation est de taire sa dissidence au régime politique de Vladimir Poutine. Pourquoi Navalny est-il mieux en prison qu’en liberté ?

Navalny a choisi de retourner en Russie sachant qu’il allait passer devant le système judiciaire de son pays, et devenir prisonnier politique. Un « prisonnier de conscience » selon Amnesty International. Il savait qu’il allait devoir affronter de grandes souffrances à la suite de ce choix.
Ce qui est considérable.

Il devient un porte-étendard pour le retour de la démocratie en Russie. Il a justement reçu le prix Sakharov pour la liberté de l’esprit, le mois passé. Un prix dont Nelson Mandela et Malala Yousafzai ont déjà été tous deux lauréats.

Navalny a été empoisonné au Novichok en septembre de l’année dernière, une arme chimique neurotoxique. Les Allemands l’ont évacué d’Omsk vers Berlin alors qu’il était dans un vol intérieur pour Moscou.

Sous les bons soins de la nation

L’opposant au régime en place est devenu un homme public de niveau international. Poutine doit rendre des comptes à cette communauté. Il ne peut donc pas en disposer comme bon lui semble, car il est sous sa protection.

Depuis plus de 20 ans, Poutine élimine tous ceux qui le dérangent. Ceux qui sont en travers de son chemin. Quelques cas. Vladimir Kara-Murza, un associé du chef de l’opposition de Boris Nemtsov, a été empoisonné par deux fois en 2015 et en 2017. La police russe a les mains liées. Elle ne peut pas enquêter ce genre de crime qui pourrait impliquer les hautes sphères du pouvoir autocratique, voire dictatorial. L’espion britannique Alexandre Litvinenko a été empoisonné en 2006 au polonium. C’est une substance radioactive extrêmement toxique.

« J’ai été arrêté en pyjama », témoigne Alla Gutnikova. C’est une étudiante en journalisme de 23 ans. Elle a publié une vidéo sur YouTube en janvier dernier au sujet des droits de la personne. Accompagnée de ses collègues étudiants Natasha Tyshkevich, Volodya Metelkin et Armen Aramyan ils encourageaient les jeunes à ne pas avoir peur, car expulser des étudiants pour des raisons politiques est illégal. Ils étaient rédacteurs au journal étudiant DOXA. Leurs textes étaient pro-Navalny. Ils ont été arrêtés le 14 avril dernier par les autorités russes. Ce ne sont que quelques cas d’une longue liste bien gardée.

Silence éternel

Il aurait probablement été bien plus simple pour Poutine d’éliminer Navalny s’il s’était réfugié outre-mer, dans un pays démocratique comme l’Allemagne. Il aurait pu l’atteindre en envoyant des espions lui régler son compte. Alors l’histoire aurait fait scandale un temps, mais Poutine aurait quand même réussi à mettre sous silence son ennemi politique : un homme élevé au titre de héros auprès de la population russe.

Le Royaume-Uni, la France, l’Union européenne et les États-Unis ont fait comprendre à la Russie que dans l’éventualité où le dissident devait mourir alors derrière les barreaux, il y aurait des conséquences de la part de l’Occident.

Poutine ne peut plus nier que c’est lui qui est son tortionnaire. Navalny est jugé terroriste et extrémiste à la prison où il purge une peine de trois ans et demi.

Torture psychologique

Les conditions d’emprisonnement en Russie sont depuis longtemps réputées être en deçà des conventions internationales. Dans sa lettre envoyée au New York Times (NYT), Navalny qualifie sa situation d’incarcération « digne d’un camp de travail chinois ». Nourri à la bouillie d’avoine et contraint à regarder des vidéos de propagande pendant plus de huit heures par jour : « Vous devez rester assis et regarder la télévision », écrit-il. Dormir est proscrit lors de ces séances d’endoctrinement.

De président à tsar

Le qualifier de « président » est dépassé étant donné le secret à peine voilé des élections truquées ayant lieu en Russie. Poutine a maximisé sa dominance politique en contrôlant les médias, manipulant le processus électoral, et le pouvoir judiciaire. Il s’est aussi rapproché des familles détenant les plus grandes fortunes de Russie afin d’éliminer toute dissidence envers son autorité au sein des plus influents du pays. Mikhail Khodorkovsky, Boris Berezovsky ainsi que Nikolay Glushkov sont trois oligarques écartés du pouvoir avec des condamnations de fraude.

Corruption

Pour ceux qui usurpent le pouvoir, l’argent est toujours la question sous-jacente à la raison d’un tel crachat sur l’humanité qu’ils sont censés guider et aider à atteindre une vie meilleure. La corruption est au coeur du régime politique de Poutine.

En janvier 2011, un rapport de l’organisme Global Financial Integrity mettait à jour qu’une moyenne de 53 milliards de dollars par année US était attribuée à la corruption en Russie. Alexeï A. Navalny l’avait dénoncé sur son blogue, ainsi que de nombreuses autres fraudes attribuées au régime de Poutine. Ce qui a résulté d’un soulèvement populaire. Les manifestants dénonçaient du même coup la fraude électorale ayant lieu au pays. Navalny était une des figures de proue de ce combat.

Langage corporel

Lors d’une entrevue donnée à Keir Simmons du réseau NBC News peu avant le Sommet de Genève de juin 2021, Poutine ne nomme jamais le nom de son opposant Navalny afin d’éviter de lui donner de l’importance. Il mentionne aussi que son opposant au régime ne sera pas plus

sévèrement traité que nul autre prisonnier : « Tout le monde devrait être dans une situation égalitaire. C’est la clause de la nation la plus favorisée. »

Poutine considère Navalny comme un terroriste, car il veut renverser son pouvoir absolu. Il

compare la dissidence de Navalny à l’insurrection du Capitole de janvier dernier aux États-Unis : « 450 personnes ont été arrêtées pour être entrées dans le congrès […] Elles
sont venues avec des revendications politiques. Elles ont été placées en
détention, et risquent une peine de prison allant de 15 à 25 ans. N’est-ce pas

de la persécution pour des opinions politiques ? Certains ont été accusés de comploter pour prendre le pouvoir. »

Cette rhétorique est une logique fallacieuse de la part de Poutine lorsqu’il fait cette comparaison.

Étant donné l’habileté à mentir sans vergogne de Vladimir Poutine, l’analyse de son langage corporel peut être une source d’information sur la vérité latente des dires de l’homme à la tête de la Russie.

Dans l’entrevue conduite par Simmons, les deux hommes assis face à face sont cadrés de la tête au pied. Ce qui nous donne l’occasion d’analyser le langage corporel de Poutine. L’évidence de prime abord est les pieds du nouveau tsar de Russie. Alors que l’on aborde le sujet de l’incarcération de Navalny, les pieds de Poutine se pointent vers le haut et tournent sur les talons.

Selon le psychologue de réputation internationale Paul Ekman : « Les personnes qui mentent sont plus susceptibles d’augmenter les mouvements de leurs pieds, quel que soit leur sexe. Si certaines personnes sont capables de simuler des expressions faciales pour dissimuler des mensonges, la plupart ignorent totalement ce que leurs jambes et leurs pieds disent aux autres. »

Le retour à la démocratie

Maintenant incarcéré, Navalny est plus que jamais l’incarnation de l’espoir d’un vent de changement en Russie. Il demande au peuple de prendre position, et de ne pas avoir peur de Poutine. Il espère un soulèvement populaire qui mènera à la chute du dictateur.

Depuis sa cellule, il reste sous les projecteurs de la communauté internationale. Le décompte de ses journées d’emprisonnement est publié quotidiennement, ce qui aide à le garder dans l’actualité.

Navalny a mis à jour au peuple russe et au monde entier l’opulence outrageante dans laquelle Poutine vit. Cet argent appartient aux Russes qui pendant ce temps se nourrissent de produits périmés et que 62% des Russes ont à peine les moyens de se payer de la nourriture et des vêtements, selon l’agence officielle du service statistique de l’état fédéral Rosstat.

Dans un entretien exclusif avec le NYT, Alexeï A. Navalny s’exprime en ces mots : « Le régime Poutine est un accident de l’histoire, pas une chose inévitable […] C’est le choix qu’a fait le parti corrompu d’Eltsine […] Tôt ou tard, cette erreur sera réparée, et la Russie empruntera le chemin d’un développement démocratique, européen. Pour la simple raison que c’est ce que veut le peuple. »

Leave a Reply

Your email address will not be published.